Laïna

Laïna
Illustration : Logan Jamotte

lundi 16 juillet 2012

Analyse du livre par Monsieur l'abbé Bruno Robberechts

Je n'ai pas l'habitude de lire des romans fantasy mais il y en a un qui a retenu mon attention et j'ai été étonné de toutes les pistes qu'il ouvrait pour aborder pas mal de questions fondamentales.
Comme par exemple la confiance, la violence; cette présence à autrui que ne détruit pas la distance, ce que dans un certain registre on pourrait appeler la communion.

J'ai voulu en savoir plus et me suis adressé à l'auteur Lorraine Dossogne à qui on doit Laïna, histoire d'une légende, premier tome d'une trilogie.

Bruno:
Un premier livre, c'est une fameuse expérience! Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans ce long travail d'écriture?

Lorraine:
Je dirais d'abord d'avoir pu faire couler les mots aussi facilement quand je tapotais sur mon ordinateur! Comme si l'histoire était imprégnée en moi! Je laissais filer mes idées comme si je partais en voyage.
Et je dirais ensuite d'avoir imprégné l'histoire d'éléments clés de ma vie sans m'en être rendu compte! J'avoue que j'ai été assez stupéfaite!
Et bien sûr, que j'imaginerais un an plus tard une suite à ce roman qui n'était au départ qu'une petite nouvelle de vingt pages.

Bruno:
Comment en vient-on à écrire?

Lorraine:
L'écriture m'a accompagnée toute ma vie depuis l'âge de sept ans où je griffonnais dans un vieux cahier, puis, j'ai commencé à écrire des petites histoires, des poèmes, des nouvelles puis ce premier roman.
L'inspiration me vient comme ça et l'idée naît d'un flash qui se présente dans ma tête: une image qui dure une seconde et de là part mon roman. L'histoire se construit après quand je commence à écrire.
Il m'arrive aussi de m'inspirer de rêves. Je laisse mon imagination faire la suite.

Bruno:
J'ai lu une légende. Le titre me laisse penser que cette légende a une histoire. Les éléments qui permettent d'entrer dans le monde imaginaire d'une légende semblent échapper au temps. Une légende, une manière de réfléchir à notre vie?

Lorraine:
En effet, une fois mes premières pages écrites, j'ai vite pressenti que je devrais dire beaucoup plus que raconter une histoire et qu'à travers les étapes du voyage de l'héroïne, se présenteraient des valeurs essentielles et seraient suggérés des repères pour comprendre la vie.

Bruno:
Nous voilà donc invités à nous mettre en route et à nous laisser initier comme Laïna en qui nous reconnaîtrons immanquablement une part de nous-mêmes.

Lorraine:
Oui, ce sont les péripéties de la vie qui nous mettent à l'épreuve et qui nous apprennent qui nous sommes. Au fil de l'histoire de Laïna, nous voyons se dévoiler ce qui habite le personnage. Nous sommes touchés comme elle par les mêmes peurs, mus par les mêmes élans, nous restons avec les mêmes attentes; cela met sous nos yeux de quoi nous sommes faits.

Bruno:
Votre livre nous entraîne à parcourir une histoire et un chemin. Une histoire qui retrace des éléments de notre propre histoire, un chemin qui ouvre les barrières d'un ailleurs qui nous éclaire en nous faisant quitter nos décors familiers. Le travail de l'écrivain, ne serait-ce pas faire se rencontrer les personnes bien concrètes avec des personnages fictifs qui sommeillent en eux ?

Lorraine:
On peut rencontrer dans la vie des personnages marquants, on ne réalise pas immédiatement ce qu'ils nous apportent. Ils laissent en nous comme une case que des circonstances réactiveront. Le monde mis en scène par un livre en porte la trace. A la fois, ces personnages fictifs appartiennent bien au monde imaginé pour l'occasion, à la fois, on les retrouve dans les personnes que nous avons rencontrées et c'est une manière de renouveler notre regard sur les relations tissées avec ceux qui nous entourent. Par exemple, mon meilleur ami s'est reconnu dans le personnage de l'Homme Saule et moi-même l'ai constaté par après. Comme quoi, des éléments de notre vie viennent se glisser inconsciemment dans ce qu'on écrit.

Bruno:
Nous accompagnons aisément Laïna à travers Terra Dunaë. Nous sentons vite que ce monde est bien plus proche du nôtre que nous ne le pensons.

Lorraine:
Oui, il y a des éléments clés qui le prouvent. Prenons par exemple le personnage de l'Homme Saule: un tel personnage est bien improbable à rencontrer. Mais à travers la sagesse à laquelle il a initié Laïna, il manifeste une dimension dont la condition humaine est en quête. Certains traits du personnage le montre et en éveille le sens chez le lecteur comme si il était lui aussi mis en appétit d'un parcours initiatique. Je pense que chaque être humain a son propre chemin, sa part de rêve et d'espoir...

Bruno:
Comment ces traits qui situent les personnages remplissent-ils une fonction d'indice?

Lorraine:
Reprenons le personnage de l'Homme Saule, sa sagesse est comme marquée par la grande symbiose de ce personnage avec la nature.
À côté des hommes, il y a aussi le dragon Bleu avec tout ce que son sort peut évoquer de biens des situations humaines. On trouve par exemple dans la Bible des récits qui décrivent de telles situations miroir de ce que nous vivons. La référence au texte biblique est garantie de sens pour le lecteur croyant. Que l'on puisse, dans Laïna, reconnaître le dragon Bleu dans une situation analogue à Joseph jeté dans la citerne parce que piégé par ses frères donne au texte une autre portée. Et le parallèle se poursuit: de même que Joseph va aider le peuple hébreu aux prises avec la famine, ainsi, le dragon Bleu permettra de mettre fin au règne des dragons Rouges.

Bruno:
Au sein du monde des dragons, il y a des oppositions, il y a des ressemblances. Ce monde nous dit-il quelque chose de nous-mêmes ?

Lorraine:
Oui, l'opposition entre les dragons Rouges et le dragon Bleu correspond à celles, entre le bien et le mal, les ténèbres et la lumière. Ce sont deux grandes oppositions comme le ying et le yang. Un côté lumineux et pure et l'autre noir et perverti. Terra Dunaë est déchiré entre le bien et le mal représentés par le dragon Bleu et les dragons Rouges.
Je pense que nous avons tous un bon et mauvais côté en nous... une part de lumière et une part d'obscurité. Et pour choisir la bonne voie, soit nous suivons le dragon Bleu, soit nous suivons les dragons Rouges. Peut-importe comment et où nous naissons, ce sont nos choix qui transforment notre vie et qui aiguillent notre chemin. Le dragon Bleu est né parmi ses frères tous malveillants et lui a pourtant choisi un chemin de paix et de sagesse absolue.

Bruno:
On a l'impression que les personnages ne sont pas là par hasard. Ils parlent aux lecteurs parce que ceux-ci peuvent se reconnaître en eux. Vises-tu un public quand tu écris, ou laisses-tu une sorte de loi du récit créer les personnages et les faire prendre leurs positions respectives?

Lorraine:
Non, je n'ai pas visé un public particulier lorsque j'ai écrit l'aventure de Laïna. Mais je savais par contre que certains passages seraient assez sombres pour les enfants car l'héroïne découvre un chemin de souffrance, de doutes et de peur.
Les personnages sont nés avec l'histoire et le milieu que j'ai créés. Au début, j'avais seulement imaginé deux personnages sur base d'une vision: Laïna et le dragon Bleu.

Bruno:
On ne s'étonne pas de trouver, comme dans d'autres romans fantasy, pas mal de symboles religieux. Mais n'est-ce pas propre à l'écriture de laisser s'exprimer le sens de la vie, ce qui peut sauver du mal, ce qui est porteur de plénitude?

Lorraine:
Il est vrai que nous découvrons beaucoup de symboles à caractère religieux dans la fantasy; prenons par exemple le Seigneur des anneaux ou Narnia qui présente Jésus à travers le personnage d'Aslan. La fantasy a toujours voulu rapprocher ses mondes imaginaires et ses créatures improbables à notre monde matérialiste et monochrome. Parce que les valeurs de ces récits se retrouvent en nous et la spiritualité dans la fantasy n'est pas lointaine de la nôtre. Donc, pour répondre à votre question, non, tous les romans ne parlent pas du sens de la vie ou de ce qui en découle. Les symboles sont plus souvent présents dans les récits de fiction pour nous prouver que rêve et espoir ne sont pas impossibles.


Bruno:
Nous parlions de l'initiation par laquelle Laïna, l'héroïne de votre roman, est passée pour pouvoir franchir bien des épreuves. S'ouvrir à la littérature fantasy ou se laisser ouvrir par un roman fantasy à ce qu'y vivent les personnages, tient aussi de l'initiation.
Un apprentissage, un chemin que nous reprendrons, je l'espère, avec un nouvel épisode de votre trilogie. D'avance, nous vous remercions et vous encourageons dans votre travail.

Lorraine:
Merci, ce fut un plaisir et j'ai la joie de vous annoncer que le deuxième est terminé. Comme Laïna, j'avance dans ma spiritualité et les épreuves me donnent du sens de la vie de ce que l'héroïne découvrira à travers le dernier tome qui sera très révélateur.

1 commentaire:

  1. félicitation pour ton talent et continue à nous faire rêver avec tes romans bisou

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